L’obligation de fermeture hebdomadaire des boulangeries et points de vente de pain en Normandie
Publié le 5 juin 2018 | Dernière mise à jour le 27 juillet 2023
Une réglementation d’origine corporatiste
L’article L.3132-29 du Code du travail prévoit que le préfet de département peut, par arrêté, sur la demande des organisations syndicales de salariés et des organisations d’employeurs d’une profession et d’une zone géographique déterminées, ordonner la fermeture hebdomadaire au public des établissements relevant de cette profession et situés dans cette zone.
La loi confie ainsi aux organisations syndicales et professionnelles le pouvoir de susciter, par un accord conclu au plan local, une fermeture hebdomadaire obligatoire de tous les établissements appartenant à la profession qu’elles représentent sur un territoire donné.
Ce dispositif permet de garantir, sur le fondement d’un accord professionnel, une concurrence équilibrée entre des établissements qui ne sont pas dans une situation comparable au regard des obligations issues de la législation du travail mais qui exercent une activité de même nature.
En effet, la diversité des formes de distribution se traduit par des modalités d’organisation du travail différentes qui permettent ou excluent le repos du personnel par roulement et, par conséquent, la possibilité d’ouverture au public sept jours sur sept de l’établissement.
Une réglementation visant à placer les professionnels sur un pied d’égalité au plan de la concurrence
Au regard tant de l’esprit de la loi que de la réalité économique, tous les établissements qui exercent la même activité commerciale ont, par rapport aux produits vendus, la même clientèle potentielle et, partant, entrent en concurrence les uns avec les autres sur la zone de chalandise où ils sont situés.
Il serait contraire à l’objectif de la loi de soustraire à l’obligation de fermeture hebdomadaire mise en place, une partie des détaillants qui se livrent au même commerce au seul motif de son appartenance à une forme distincte de distribution du produit ; cette exclusion aurait pour effet de créer une distorsion indue de concurrence.
Il s’agit, tout en préservant les conditions du libre jeu de la concurrence entre établissements exerçant une même profession :
– d’équilibrer la concurrence entre les entreprises qui occupent du personnel et celles qui n’en emploient pas ;
– de favoriser l’application du repos hebdomadaire collectif dû aux salariés en mettant les professionnels à l’abri des phénomènes de concurrence déloyale ;
– de faciliter le contrôle du respect du jour de repos hebdomadaire des salariés.
L’arrêté préfectoral qui ordonne une fermeture hebdomadaire d’un commerce se rattache ainsi au droit de la concurrence autant qu’au droit du travail.
Une réglementation applicable à une profession entendue par référence à la nature du produit vendu
La portée régulatrice des conditions de concurrence de l’article L.3132-29 est confirmée par la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’État, qui donne une interprétation extensive de la profession.
Celle-ci s’entend, selon les tribunaux, non pas d’après l’identité de structure des établissements qui la composent, mais d’après l’identité du produit commercialisé. La notion de profession est ainsi comprise comme l’ensemble des fabricants et des distributeurs qui mettent sur le marché un produit identique.
L’accord professionnel sur le fondement duquel est pris l’arrêté préfectoral de fermeture peut donc présenter un champ d’application large jusqu’à unifier l’obligation de fermeture hebdomadaire entre des établissements appartenant à des secteurs de distribution différents.
Même si elles ne relèvent pas de la même branche, les entreprises vendant des produits similaires doivent respecter la fermeture imposée par le préfet.
S’agissant plus particulièrement de la fabrication et de la vente de pains, le Conseil d’Etat indique d’une manière constante qu’il convient de se référer à la finalité du produit vendu et que, de ce fait, constituent une même profession les boulangeries artisanales, les boulangeries industrielles ou terminaux de cuisson, les boulangeries-pâtisseries et les dépôts de pain pour l’application de l’article L.3132-29 du Code du travail.
De façon similaire, la Cour de cassation a jugé que les établissements dans lesquels s’effectue, à titre principal ou accessoire, la vente au détail ou la distribution de pain, quel que soit le mode de sa fabrication, artisanal ou industriel, exercent la même profession au sens de l’article L.3132-29.
Une réglementation qui s’impose à tous les établissements de la profession
L’arrêté de fermeture a force obligatoire pour tous les établissements de la profession, qu’ils emploient ou non des salariés, y compris ceux qui sont autorisés à accorder le repos hebdomadaire par roulement, c’est-à-dire ceux qui bénéficient d’une dérogation de droit au repos dominical. L’obligation de fermeture s’impose aussi aux commerçants travaillant seuls ou avec le concours exclusif des membres de leur famille.
Sanctions pénales, civiles et administratives
La violation d’un arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés peut faire cesser. Le tribunal de commerce peut être saisi à cette fin par un commerçant victime d’une ouverture illégale 7 jours sur 7 d’un magasin concurrent.
En savoir plus : consulter notre article sur les moyens d’action en justice contre une ouverture illégale
Sur le plan pénal, le fait de ne pas procéder à une fermeture hebdomadaire dans les conditions prescrite par l’arrêté préfectoral est puni d’une amende de 1 500 € (contravention de la 5ème classe). Cette infraction est constituée même en l’absence de tout salarié dans l’entreprise car le fait répréhensible porte sur l’exercice de l’activité professionnelle elle-même et non sur l’emploi de salariés.
En outre, en application de la règle du cumul des peines contraventionnelles entre elles, le nombre d’amendes encourues sera égal au nombre de semaines pendant lesquelles cette fermeture hebdomadaire obligatoire n’a pas été respectée ou n’est pas conforme aux exigences de l’arrêté préfectoral : il y a donc autant d’amendes que d’infractions constatées.
Par ailleurs, l’article R.3135-2 du Code du travail prévoit que l’infraction donne lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés employés le jour où l’ouverture de l’établissement est illicite. En application du principe du cumul des peines en matière contraventionnelle, le nombre total d’amendes prononcées peut excéder le nombre de salariés irrégulièrement employés lorsque plusieurs infractions sont constatées ; un même salarié donne lieu à autant d’amendes que d’infractions qui le concernent.
Ainsi, en cas d’ouvertures illégales répétées avec la participation de salariés, le nombre total d’amendes encourues sera déterminé en calculant pour chaque semaine concernée le nombre de salariés employés lors de cette ouverture irrégulière puis en totalisant les sommes ainsi obtenues :
Exemple : un établissement a été ouvert au public 7 jours/7 pendant 4 semaines en infraction avec les dispositions de l’arrêté préfectoral qui lui impose une fermeture hebdomadaire. 2 salariés étaient employés le jour habituel de la fermeture hebdomadaire pendant 3 semaines et 3 salariés pendant 1 semaine. Ont donc été commises 4 infractions (4 semaines concernées) faisant encourir une peine de 9 amendes au total (3 semaines × 2 salariés + 1 semaine × 3 salariés), soit 9 × 1 500 € = 13 500 €.
En cas de récidive, le montant de chaque amende est porté à 3 000 € pour les personnes physiques et à 15 000 € pour les personnes morales.
Enfin, l’article L.121-22 du Code de la consommation interdit toute publicité portant sur une opération commerciale réalisée ou devant être réalisée en infraction avec un arrêté préfectoral imposant une fermeture hebdomadaire au public.
Tout annonceur qui effectue ou fait effectuer une publicité sur une telle opération est passible d’une amende administrative d’un montant de 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale (article L.132-24).
Dans la région Normandie, différents arrêtés préfectoraux réglementaient la fermeture hebdomadaire des établissements et parties d’établissements dans lesquels s’effectue, à titre principal ou accessoire, la vente au détail de pain.
Actuellement, deux arrêtés demeurent temporairement en vigueur et concernent les départements du Calvados et de la Seine-Maritime. Leurs effets prendront fin respectivement le 24 août et le 21 octobre 2023 suite à leur abrogation. A ces dates, la vente au détail de pain sera libre 7 jours sur 7 sur tout le territoire du département concerné.
– Télécharger le tableau récapitulatif de ces arrêtés :
– Pour consulter ces mêmes arrêtés ainsi que ceux visant d’autres professions, cliquer ici